Crédit d'image: NASA
Une équipe d'astronomes français et américains a découvert la présence de sel (NaCl) dans l'atmosphère d'Io. L'atmosphère d'Io est étudiée depuis plusieurs années maintenant, observée pour la première fois par le vaisseau spatial Voyager, mais c'est la première fois qu'elle contient de bons vieux «sel de table».
L’atmosphère de la lune Io de Jupiter est l’une des plus particulières du système solaire. En 1979, le vaisseau spatial Voyager a révélé un volcanisme actif (figure 1, à gauche) à la surface du satellite et a découvert une atmosphère locale et ténue de SO2. Depuis 1990, les observations en ondes millimétriques acquises à l'IRAM (télescope franco-allemand-espagnol) et les observations UV avec HST ont fourni une description un peu plus détaillée de cette atmosphère. La pression de surface typique est d'environ 1 nanobar et, d'une manière unique dans le système solaire, l'atmosphère présente de fortes variations horizontales, étant apparemment concentrée dans une bande équatoriale.Les principaux composés atmosphériques sont le SO2, le SO et le S2. L’atmosphère est probablement produite, d’une part par la production volcanique directe, et d’autre part par la sublimation des glaces SO2 qui recouvrent la surface d’Io.
Cependant, on soupçonne depuis longtemps que l'atmosphère d'Io doit contenir d'autres espèces chimiques. Dès 1974, l'imagerie visible et la spectroscopie ont révélé un «nuage» de sodium atomique (figure 1, à droite), à peu près centré sur l'orbite d'Io. Des études ultérieures détaillées de ce nuage ont indiqué une structure complexe, comprenant notamment des caractéristiques de «sodium rapide», pour la production desquelles le rôle des ions moléculaires (NaX +) a été mis en évidence. Ces découvertes ont naturellement posé la question de l’origine du sodium dans l’environnement de Io. D'après la luminosité des émissions optiques de Na, on peut estimer qu'environ 1026-1027 atomes de sodium quittent Io chaque seconde.
En 1999, du chlore sous forme atomique et ionisée a été découvert autour d'Io, avec une abondance comparable à celle du sodium (alors que l'abondance cosmochimique de Na est environ 15 fois celle de Cl). Cela suggère une origine commune, le NaCl étant un parent naturel plausible des deux. Dans le même temps, sur la base des calculs d’équilibre thermochimique, le NaCl a été proposé comme un composé important des magmas volcaniques d’Io, avec une abudance par rapport au SO2 pouvant atteindre plusieurs pour cent.
Sur la base de ces découvertes et prédictions, une campagne d'observation a été menée par E. Lellouch, de l'Observatoire de Paris, et plusieurs collègues français et américains du radiotélescope IRAM de 30 m en janvier 2002. Deux lignes de rotation de NaCl à 143 et 234 GHz étaient sans ambiguïté détecté (figure 2.). Étant donné que la pression de vapeur de ce sel est entièrement négligeable, le NaCl ne peut pas être en équilibre de sublimation avec la surface d'Io et sa présence doit résulter directement de la production volcanique continue. Il semble que ce soit une espèce armosphérique mineure. Le modèle physique le plus plausible dépeint l'atmosphère de NaCl comme étant plus localisée que SO2, en raison de sa durée de vie très courte (quelques heures au plus), et probablement limitée aux centres volcaniques. L'abondance locale de NaCl dans ce modèle est de 0,3-1,3% de SO2, significativement plus faible que prévu. À partir de la force des raies, les taux d'émission volcanique de (2-8) x1028 molécules de NaCl par seconde peuvent être dérivés. Selon les modèles photochimiques et d'échappement, seule une petite fraction de ces molécules s'échappe de Io (environ 0,1%). Une quantité un peu plus importante (1-2%) laisse Io sous forme atomique après avoir été photolysée en Na et Cl. La grande majorité des molécules de NaCl émises par voie volcanique retombent à la surface où elles se condensent, contribuant potentiellement à la couleur blanche de certains des terrains d'Io. En conclusion, il apparaît que le NaCl fournit une source importante de sodium et de chlore dans l'environnement d'Io; cependant, la nature chimique précise des ions moléculaires NaX + reste à élucider.
Source originale: communiqué de presse de l'Observatoire de Paris